Le palais Omnibus et le Parc


    Le palais avait été conçu pour rendre la présentation des objets exposés la plus rationnelle possible. On éleva un immense bâtiment ovoïde, surnommé Palais Omnibus, constitué de sept galeries concentriques, regroupant chacune des objets similaires, coupées par des allées latérales allant du centre vers l?extérieur. Les pays occupaient des portions comme des parts de gâteaux, et le visiteur pouvait choisir de faire une promenade circulaire, admirant ainsi tous les objets d?une même classe à travers le monde, soit du centre vers l?extérieur pour découvrir tous les objets exposés par un même pays. La Belgique, la Russie, l'Angleterre et la France se partagaient la plus grande partie de ce palais.

palais omnibus exposition universelle 1867


    L'édifice, conçu par l'ingénieur Jean-Baptiste Krantz et l'architecte Léopold Hardy, était composé de 135 000 tonnes d?acier assemblées par 6 millions de rivets. Il mesurait 110 mètres dans sa plus grande largeur et 325 mètres de longueur. Seize portes en permettait l'accès. Un promenoir extérieur de 1413 mètres, agrémenté de restaurants et d?attractions, faisait le tour du bâtiment. Doté de tout le confort moderne, le bâtiment était équipé de 16 kilomètres de tuyaux d?eau et 13 kilomètres de tuyaux de gaz serpentant le long de 7 kilomètres de galeries souterraines, et de 5000 becs de gaz.
Plus de 300 robinets d'eau étaient à la disposition des exposants et des visiteurs. Un ingénieux système d'aération souterraine à travers tout le quartier insufflait l'air de l'extérieur par des grilles situées dans le plancher. Le tout pour un coût de 11.738.024 francs. Malgré ce festival de prouesses techniques, l?édifice était inéluctablement voué à la destruction : il fallait, à la fin de l'exposition et sans dérogation possible libérer le Champ de Mars! Propriété de l'armée !  

palais omnibus 1867


    A l'intérieur, la mode est à la fabrication, devant le visiteur ébahi, de toutes sortes d?articles : chapeaux de feutre fait de poils de lapin, chaussures cousues, bougies, vitraux, cristallerie, dentelle! On fait la démonstration de machines à laver le linge ou de métiers à tisser anglais. Dans la section de la photographie française, on expose des portraits sur porcelaine. M. Leboyer propose d'imprimer en quelques minutes des cartes de visite personnalisées, tandis qu'un M. Rouart fabrique plusieurs kilos de glace à l'heure.
    Côté industriel, la tendance est au toujours plus grand, et ce sont les locomotives géantes, les canons gigantesques et les plus hautes grues qui impressionnent le visiteur de la galerie des machines.

palais omnibus exposition universelle 1867 le parc

    La deuxième grande nouveauté de l'exposition était « le Parc ». Tout est prévu. Les 9 062 965 visiteurs ont à leur disposition tout le confort moderne : des salles de repos, des fauteuils roulants, une poste et un télégraphe et, même, un barbier. Une crèche permet de laisser son bambin durant la visite. La promenade est une véritable leçon de géographie commerciale, industrielle et morale et le visiteur erre au hasard des allées, étourdi de tant de curiosités, de la plus anecdotique à la plus grandiose.
    Pour l'occasion, l'ingénieur Jean-Charles Alphand (créateur du bois de Boulogne) et le paysagiste Jean-Pierre Barillet-Deschamps avaient fait araser le sommet de la colline du Trocadéro, sur la rive opposée de la Seine, pour fournir la terre nécessaire à la réalisation des buttes, rocailles et autres décors bucoliques du Parc. Ils profitèrent du site du Trocadéro (altitude 35 mètres au-dessus du niveau de la Seine et du Champ de Mars) pour y creuser un immense réservoir qui alimentera en eau sous pression les fontaines, les cascades ou toutes autres féeries des eaux.

exposition universelle de 1867


    Les organisateurs de cette exposition de 1867 inventèrent le concept du pavillon, qui fut repris ensuite lors de toutes les autres manifestations et encore de nos jours : c'est dans ce Parc que les nations invitées purent pour la première fois construire ces écrins éphémères de leur production et de leurs spécialités. On pouvait ainsi à loisir visiter des chalets suisses, des isbas russes, un village autrichien, un cottage anglais, le palais du Bardo duBay de Tunis (que les Parisiens ont pu voir à jusque dans les années 90 dans le parc Montsouris), un palais égyptien, un phare, des chapelles, des restaurants, un bain turc, mais aussi une boulangerie, un aquarium, une papeterie, une verrerie, une poste. Certaines sociétés étalaient leur puissance financière en réalisant de véritable petit palais comme le pavillon de l'Isthme de Suez.

palais omnibus 1867

Le promenoir, la nuit venue.

    Le soir, alors que le palais de l'Industrie ferme à 18h00, le Champ de Mars, lui, reste ouvert jusqu'à minuit et devient vite la promenade préférée des Parisiens. Chaque jour, 80 000 visiteurs pouvaient parcourir 74 kilomètres d'allées, couvertes ou en plein air, du Parc.
Du côté de la centaine de restaurants, on trouve tout au long du promenoir qui ceinture le palais de l'Industrie ainsi que dans le Parc, trois restaurants français, un café algérien, un autre hollandais, où l'on déguste du curaçao, un restaurant prussien, qui sert des vins du Rhin, une brasserie viennoise, une buvette suisse? Un vrai tour du monde gastronomique ! Et l'occasion (parfois) de porter un coup fatal à certains préjugés : dans son ouvrage sur les curiosités de l?exposition, H. Gauthier précise à propos du restaurant espagnol « qu'on n'y fait même pas la cuisine à l'huile rance, et, chose désespérante, on y trouve une propreté et un confort que les amateurs de couleur locale appellent une faute capitale. ».

    Le café suédois sert du punch suédois, le restaurant russe du caviar et du saumon cru. Il y a encore des restaurants italien, turc, roumain, marocain, un café des Etats-Unis, où les Parisiens se pressent pour déguster des sodas à la crème glacée. Au café anglais, le bon ton côtoie le vrai chic britannique et l'on déguste des pale-ale et des sherry accompagnés de tranches de « rost-beef ». On trouve aussi une boulangerie forcément viennoise, et l'on achète des oranges à l?horchateria de Valence. Ce déploiement de spécialités étrangères, et leur caricature souvent naïve, a sans aucun doute aidé à forger dans l'inconscient collectif tous les archétypes sur les étrangers que l'on véhicule souvent encore aujourd'hui. La serveuse bavaroise est accorte alors que la cuisine espagnole ne conviendra pas aux estomacs britanniques, l'Américain est puritain et mange des sucreries !
Quant au café turc, il est installé dans le bazar algérien! Les raccourcis géographiques sont aussi approximatifs que fulgurants.

moutarde bornibus
moutarde Bornibus 1867

bornibus moutarde

La moutarde Bornibus dont le siège était boulevard de la Vilette, à Paris, obtint une médaille en 1867, et, était peut-être servi dans les restaurants du parc.

    Un scaphandrier passe des heures dans un « Aquarium Humain », un véritablement appartement englouti sous l'eau. Un autre cobaye humain fait la démonstration d'appareils respiratoires autonomes en milieu enfumé.
Pour loger les ouvriers à moindre coût, M. Japy a imaginé « La maison à Bon Marché », construite en brique et ne coûtant que 3 000 francs (l'ancêtre de la maison à 100 000 euros de Jean-Louis Borloo ou celle à 15 euros par jour de Christine Boutin ces dernières années). Dans son propre pavillon, Henry Dunant présente la toute jeune Croix-Rouge qu'il a créée en 1864.

    Courbet, lui, récidive son expérience de 1855 et montre une centaine de tableaux dans son pavillon indépendant du rond-point de l'Alma ; cette fois-ci Edouard Manet l'a suivi en construisant sa propre baraque à quelques mètres. Il y montre Le Déjeuner sur l'herbe, L'Olympia et une cinquantaine d'autres toiles.